Quand j’étais petit, mon âme d’enfant innocente et naïve s’était persuadée que la vie ne pouvait s’achever que d’une seule façon : tardivement, en paix, et sans douleur. Si l’espérance de vie progresse de façon indéniable avec le développement économique et social, j’ai bien compris depuis longtemps que je pouvais oublier l’image du vieillard plus que centenaire qui meurt paisiblement de vieillesse sur son lit, entouré des siens. Ca arrive, mais c’est rare.
Et puis, mourir de vieillesse, c’est impossible. On meurt parce que les cellules de notre corps, à force de vieillir, finissent par ne plus fonctionner correctement. Mais ce n’est pas l’âge en lui-même qui tue. C’est la défaillance d’un organe, l’accident, la maladie.
Petite précision avant de poursuivre : qu’elle concerne un enfant, un adulte ou une personne très âgée, la mort reste insupportable. Il n’est pas de mort plus acceptable qu’une autre, et ce n’est pas parce que, comme je l’entend parfois dans le cadre de mon activité professionnelle, la route ne tue plus « que » 3500 personnes par an contre des dizaines de milliers pour le cancer qu’il ne faut plus se préoccuper de la sécurité routière et concentrer tous ses efforts sur la recherche médicale. Une vie reste une vie, et aucune cause de décès prématuré n’est à négliger.
67 millions de Français et Françaises. Et ça continue…
La France compte aujourd’hui près de 67 millions d’habitants. Comme en témoignent les données ci-dessous, la population globale du pays augmente de façon modérée mais constante depuis plusieurs décennies :
L’évolution de la population Française depuis 50 ans (Source : La Banque Mondiale)
La hausse de la population s’explique tout simplement : le nombre de naissances, chaque année, est supérieur au nombre de décès. On compte ainsi en moyenne 800 000 naissances par an, pour environ 550 000 décès. Cela fait un solde de 250 000 personnes supplémentaires par année, qu’il convient de moduler du fait des flux migratoires : chaque année, environ 330 000 personnes arrivent en France (un quart d’entre elles sont des expatriés de retour au pays), mais 300 000 autres le quittent, soit un solde migratoire d’environ 30 000 personnes. On peut donc estimer qu’en moyenne, la France compte chaque année 280 000 personnes supplémentaires. En 2030, la France devrait ainsi compter environ 71 millions d’habitant – si les taux de mortalité et de natalité, ainsi que le solde migratoire, n’évoluent pas dans des proportions importantes.
Pour l’anecdote, le taux de fécondité, c’est à dire le nombre d’enfants moyen par femme, était en France de 2,8 en 1966. Mais il est seulement de 2 aujourd’hui, après avoir connu un minimum de 1,73 en 1993.
Ensuite, la parité est plutôt respectée : la population Française compte presque autant d’hommes que de femmes – avec une très légère surreprésentation de ces dernières dans la démographie : aujourd’hui en France, les femmes sont plus nombreuses de 2,045 millions.
Comme en témoigne le graphique ci-dessous, les femmes sont moins nombreuses que les hommes uniquement dans la tranche des moins de 20 ans, et elles sont considérablement plus nombreuses que les hommes au-delà de 65 ans :
Notez que dans le reste du monde, c’est l’inverse. D’après l’Institut national d’études démographiques (INED), il y a sur Terre 102 hommes pour 100 femmes. L’institut précise ainsi que :
« Sur 1000 personnes, 504 sont des hommes (50,4 %) et 496, des femmes (49,6 %). Il naît un peu plus de garçons que de filles : 107 garçons pour 100 filles. Mais les garçons meurent plus que les filles ; c’est vrai dans l’enfance, mais aussi à l’âge adulte. Il arrive donc un âge où les hommes et les femmes sont en nombre égal : en France, c’est à 25 ans (en 2010). Au-delà de cet âge, ce sont les femmes qui sont plus nombreuses, l’écart se creusant avec l’âge. Ainsi, en France, 8 centenaires sur 10 sont des femmes (en 2010) »
Espérance de vie : la France dans la moyenne
En France, l’espérance de vie moyenne est aujourd’hui de 82,5 ans, contre 70 ans au début des années 1960. J’ai choisi d’ajouter quelques autres pays à la France afin que le graphique suivant puisse permettre une comparaison. Vous constaterez ainsi que notre espérance de vie est légèrement inférieure à celle des Japonais, ce qui n’est pas surprenant, mais aussi à celles de nos voisins italiens et espagnols – ça se joue à quelques mois, vous ne gagnerez pas une décennie de vie en passant la frontière ! Et vous constaterez également que les Britanniques, les Allemands et les Américains vivent en moyenne de 1,5 à 3,5 ans de moins que les Français ! L’écart passe à plus de 7,5 ans pour les Algériens, 14,5 ans pour les Indiens et 24 ans pour les pauvres (dans tous les sens du terme) Burkinabés, dont l’espérance de vie n’atteint même pas 60 ans, ce qui est un drame si l’on considère les progrès en matière de santé, d’alimentation et d’hygiène dans les pays de l’hémisphère Nord.
Mais revenons-en à nos petits Français. Et Françaises car, attention, comme le laissait entendre les données sur le nombre d’hommes et de femmes dans la population française, l’espérance de vie est aujourd’hui plus importante pour les femmes que pour les hommes. La différence a tendance à s’atténuer avec le temps, mais vous avez toujours plus de chances de vivre vieille que vieux si vous naissez aujourd’hui en France :
Mais, que vous soyez une femme ou un homme, vous ne serez pas armé de la même façon face à la grande faucheuse, selon que vous êtes ou non exposé aux différentes causes de mortalité rencontrées dans le pays.
Les différentes causes de mortalité en France
J’ai ainsi compilé les données disponibles sur les nombreuses causes de mortalité. Le résultat est à la fois éloquent et incomplet.
Incomplet parce que toutes les données ne sont pas disponibles, qu’elles sont parfois partielles, qu’il faut effectuer des recoupements, des moyennes sur plusieurs années (2008 à 2015 pour les données suivantes) et que toutes les sources ne donnent pas les mêmes chiffres. Les données que je publie ici ne sont donc pas d’une exactitude absolue, mais elles représentent une moyenne, afin de vous donner un ordre de grandeur qui, lui, varie peu.
Et éloquent parce que la maladie est de façon très évidente la première cause de mortalité en France, très loin devant les accidents. Les crimes, quant à eux, représentent une quantité négligeable : les homicides sont 1000 fois moins nombreux que la maladie dans les causes de mortalité. Mais comme ils sont sur-médiatisés, traumatisants pour l’entourage et marquants pour le public, leur impact psychologique est bien plus important que leur impact réel sur les statistiques de mortalité.
De même, si la maladie reste le premier facteur de mortalité, il est évident qu’il ne faut pas pour autant négliger les causes moins fréquentes, qu’elles soient accidentelles ou provoquées. Un jeune enfant qui joue sans surveillance au bord d’une piscine risque de mourir noyé, pas d’une tumeur. De la même façon, vous avez peut être 10 000 fois plus de risques de mourir attaqué par les crocs d’un chien d’attaque que de périr entre les mâchoires d’un requin – les squales ne font que quelques victimes par an. Mais si vous êtes surfeur en Afrique du Sud et que vous avez l’habitude de pratiquer votre sport sur des eaux troubles au crépuscule, le risque sera de suite plus important… Ce ne sont que deux exemples, dont le seul but est de rappeler qu’en fonction de votre âge, de votre sexe, de vos loisirs et de vos pratiques, et de votre lieu d’habitation, vous ne serez pas confronté de façon égale aux différentes causes de mortalité. Et vous ne serez pas égaux non plus face à la mort en fonction de votre activité professionnelle puisque comme le révèle l’INSEE, les cadres vivent en moyenne 6 années de plus que les ouvriers (et les seconds sont de manière générale plus exposés aux accidents du travail).
Le cancer, voilà donc le mal qui fait le plus de victimes dans notre société actuelle. Un cancer qui n’a jamais été aussi bien diagnostiqué, jamais aussi bien soigné qu’aujourd’hui, et contre lequel la médecine fait chaque jour des progrès. N’oubliez pas, d’ailleurs, que vous pouvez aidez vous aussi à lutter contre cette affreuse maladie en faisant un don, même modeste (et partiellement déductible de vos impôts !).
Avec chaque année environ 920 000 personnes traitées, 320 000 nouvellement touchées et 145 000 décès, le cancer représente la première cause de mortalité en France, devant les pathologies cardiovasculaires. (Inserm)
Les chutes, noyades, suffocations, intoxications, accidents par le feu (…) sont généralement regroupés sous le termes accident domestique, ou accident de la vie courante. Ces accidents font 10 000 à 20 000 victimes par an, et ils seraient évitables en suivant un certain nombre de précautions et de conseils basiques. A ce sujet, si vous avez de jeunes enfants, je vous conseille la lecture du guide mis en ligne gratuitement par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).
On ne meurt qu’une fois, mais de 2,4 causes…
Ensuite, sachez que l’on meurt rarement d’une seule cause. Comme l’a rappelé récemment l’INED, on meurt en moyenne de 2,4 causes. Du moins était-ce le cas voici cinq ans, époque de laquelle datent les données qui ont servi à l’étude menée par l’institut. Ce dernier explique que :
En France, les certificats de décès remplis par les médecins mentionnent en général plusieurs causes de décès : 2,4 en moyenne en 2011. Habituellement, une seule d’entre elles, la cause dite initiale, est prise en compte. Ceci conduit à sous-estimer fortement la contribution de certaines maladies à la mortalité, par exemple les maladies endocriniennes. Il est utile de prendre en compte également ces causes dites associées, sachant qu’avec l’augmentation de l’espérance de vie, on meurt de plus en plus souvent d’une combinaison de causes et non d’une seule.
Et il me paraît pertinent de rappeler l’origine des différentes causes de mortalité. Car si ce sont les cancers et maladies cardiovasculaires qui font le plus de victimes chaque année, il faut savoir qu’il sont parfois causés par des facteurs externes : ce sont ainsi les addictions qui sont responsables du plus grand nombre de morts, et qui sont souvent à l’origine de ces maladies – ou qui en accentuent la gravité. C’est d’ailleurs une autre occasion de rappeler que la plupart des causes de mortalité sont évitables…
En clair : si vous mangez sainement, que vous n’abusez pas de l’alcool, que vous ne fumez pas, que vous bouclez votre ceinture de sécurité, que vous ne laissez pas vos casseroles et couteaux à portée des jeunes enfants, et que vous évitez l’air pollué des villes et de certaines campagnes (l’agriculture et le chauffage sont source de pollution, et notamment d’émission de particules fines, à un niveau encore méconnu), vous avez plus de chance de vivre vieux (ou de vivre tout court) – même si vous en trouverez toujours dans votre entourage pour se rassurer en assurant qu’un fumeur peut ne pas avoir de cancer, et qu’un non fumeur peut mourir d’un cancer du poumon. Les deux arrivent en effet, mais c’est beaucoup, beaucoup moins fréquent que l’inverse.
Et malgré toutes ces précautions et une hygiène de vie irréprochable, vous ne survivrez évidemment qu’à la condition que le câble de l’ascenseur ne cède pas, et qu’une tuile soufflée par une rafale de vent ne vous tombe pas sur le museau…
Je finirai sur une note plus légère en vous recommandant cette lecture d’un article du site satirique Le Gorafi, qui fait une révélation… pour le moins stupéfiante !
Longue vie à tous et à toutes, prenez soin de vous et de vos proches…
A bientôt sur Le Curionaute.