Les antonomases ne sont pas des maladies incurables, pas plus des variétés animales récemment découvertes, encore moins le nom de véhicules futuristes. C’est en fait une figure de style très courante et facile à résumer : l’antonomase, c’est quand un nom propre devient un nom commun. (Ou, plus rarement, quand un nom commun est utilisé comme nom propre). Attention à ne pas confondre avec la métonymie, qui consiste à remplacer un nom (propre ou commun) par un autre avec lequel il est en rapport (exemple : « boire un verre« ), ni avec la synecdoque, une forme de métonymie souvent utilisée pour désigner un tout en nommant une partie(ex : « un troupeau de cinquante têtes« ), ou l’inverse (ex : « mon vélo a crevé »), mais pas seulement (Wikipédia vous en apprendra plus que moi sur le sujet !).
Bref. Vous allez ainsi (re)découvrir que bien des objets ont été rendus célèbres par une marque au point d’en prendre le nom, quand d’autres ont fait passer à la postérité des patronymes, le nom des inventeurs devenant de fait indissociables de leur invention, qu’elle soit fortuite ou issue de longues recherches. Les antonomases se comptent par milliers, je me suis donc contenté de rappeler les antonomases les plus célèbres et les plus remarquables.
Les antonomases issues d’une marque
Ces antonomases sont très courantes : elles font partie de notre quotidien depuis des décennies, et je veux bien parier que vous utilisez une de ces antonomases (voire plusieurs antonomases !) chaque jour. Et vous pourrez désormais faire le malin en soirée en clamant « je connais un sacré paquet d’antonomases… »
Un Abribus
Ce qu’il faut dire : une aubette, ou… un abri pour attendre le bus. Le premier Abribus a été installé en 1964 à Lyon par la société JC Decaux. Il associe des éléments de mobilier urbain et de l’affichage publicitaire, la spécialité de JC Decaux.
Un Alcotest
Ce qu’il faut dire : un éthylotest (pour le test simple), un éthylomètre (pour la version électronique capable de mesurer précisément le taux d’alcool dans l’air expiré). Au Québec, certains appellent cela un ivressomètre – la formule est amusante ! L’Alcotest est une marque déposée par la société allemande Dräger, qui produit de nombreuses références d’éthylomètres, pour le grand public ou pour un usage professionnel.
Un Bateau-Mouche
Ce qu’il faut dire : une navette destinée au tourisme fluvial. Le nom Bateau-Mouche est déposé depuis plus de 60 par la compagnie des Bateaux-Mouches. Les plus célèbres évoluent à Paris sur la Seine mais c’est à Lyon que les premiers ont navigué.
Un Caddie
Ce qu’il faut dire : un chariot libre-service, ou un chariot de supermarché. Le célèbre Caddie a été créé par l’entreprise française éponyme voici plus de 50 ans. Caddie est passé dans le langage courant car dans les années 1980, la marque bénéficiait d’un quasi-monopole sur le marché des chariots de supermarché.
La Cellophane
Ce qu’il faut dire : le nom est une contraction de cellulose et de diaphane. Il est aujourd’hui passé dans le langage courant mais ce film transparent très utilisé pour l’emballage de produits alimentaires a été créé en 1908 par l’ingénieur chimiste suisse Jacques Brandenberger
Une Cocotte-Minute
Ce qu’il faut dire : un autocuiseur. Le tout premier autocuiseur a été mis au point à la fin du 17e siècle par Denis Papin. Cocotte-Minute est en fait une marque rachetée par Seb pour désigner certains de ses autocuiseurs. Le nom a été inventé en 1948 par Roland Devedjian pour ses propres autocuiseurs, mais sa société a fait faillite
Un Dictaphone
Ce qu’il faut dire : un appareil de dictée, ou un enregistreur sonore. Dictaphone est une marque déposée par la Columbia Gramophone Company. Et ça ne date pas d’hier, mais de 1907 ! Aujourd’hui la plupart des smartphones disposent d’un micro et de capacités d’enregistrements, ce qui permet de ne pas s’encombrer d’un Dictaphone en plus – en tous cas pour un usage ponctuel.
Un Digicode
Ce qu’il faut dire : une serrure électronique à code. Inventé en 1970 par le Français Bob Carrière (disparu en 2007), le Digicode est une marque qui appartient aujourd’hui à la société CDVI.
Un Escalator
Ce qu’il faut dire : un escalier mécanique., ou un escalier roulant. Escalator est une marque déposée par Otis, fabriquant célèbre pour ses ascenseurs. Le plus long escalier mécanique est à Hong Kong, et il mesure plus de 220 mètres (en quatre parties) !
Un Fenwick
Ce qu’il faut dire : un chariot élévateur. Fenwick estr un fabricant e matériel de manutention, qui s’ est rendu célèbre pour ses – je vous le donne en mille – chariots élévateurs.
Une fermeture Eclair
Ce qu’il faut dire : une fermeture à glissière. Ou un zip – le terme est surtout utilisé dans les pays anglo-saxons et il fait référence au bruit de la glissière lorsqu’on l’actionne… La première fermeture à glissière (du même type que celles utilisées aujourd’hui) a été brevetée juste avant la première guerre mondiale par un ingénieur suédois installé aux Etats-Unis. Le terme fermeture Eclair est en fait une marque déposée par la société Eclair Prym, et cette marque existe d’après son fabricant depuis 1924.
Un Frigidaire
Ce qu’il faut dire : un réfrigérateur, ou un frigo. Frigidaire est une marque créée en 1918 par le constructeur automobile General Motors. Frigidaire est devenu un sysnonyme de frigo par antonomase pour une raison simple : la marque a été parmi les premières à fabriquer et distribuer des réfrigérateurs. GM ne fabrique aujourd’hui plus d’électroménager, et la marque Frigidaire a depuis été vendue à Electrolux.
Un Frisbee
Ce qu’il faut dire : un disque volant. Oui je sais, ça fait ringard, tout le monde dit Frisbee. Mais en fait c’est une marque déposée à l’origine par l’entreprise Wham-O, racheté depuis par Mattel. La page Wikipédia consacrée à l’objet compte quelques anecdotes très sympas, je vous en conseille la lecture.
Sinon parlant de ringard, hop, une pub d’époque :
Un Jacuzzi
Ce qu’il faut dire : une baignoire à remous ou un bain tourbillon. Devenu une marque, le Jacuzzi a été commercialisé en 1968 par Roy Jacuzzi, membre de la famille italienne éponyme émigrée au Etats-Unis (mais il fut réellement créé 12 ans par un membre de la génération précédente).
Un Kärcher
Ce qu’il faut dire : un nettoyeur haute-pression. L’entreprise allemande a été fondée en 1935 et elle s’est retrouvée plusieurs fois mêlée bien malgré elle à l’actualité politique – au point de finir par se froisser.
Un Klaxon
Ce qu’il faut dire : un avertisseur sonore. Klaxon est une marque plus que centenaire, celle de la première société à commercialiser à grande échelle des avertisseurs sonores pour automobiles. La marque existe encore (mais ne fait plus dans l’automobile), mais klaxon est devenu un nom (très) commun pour la majorité des automobilistes !
Un Kleenex
Ce qu’il faut dire : un mouchoir en papier. Kleenex est une marque déposée par l’entreprise Kimberly-Clark. Les premiers Kleenex ont été vendus en 1924, aux Etats-Unis, et ils étaient utilisés pour le démaquillage.
Une Mobylette (souvent abrégé en « mob »)
Ce qu’il faut dire : un cyclomoteur. Ou une brêle, une pétrolette, une meule. Mobylette était un modèle de cyclomoteur proposé par Motobécane à partir de 1949. La plus célèbre Mob’ reste évidemment la « bleue » des années 1970.
Un Photomaton
Ce qu’il faut dire : une cabine automatique de photos d’identité. Un peu long, et moins pratique, hein ? La société Photomaton a été créée dans les années 1930 et, avec le passage de l’argentique au numérique, l’exercice en cabine est devenu plus commode et il exige moins de patience avant de récupérer la bande de clichés, qui restent toutefois rarement flatteurs. Surtout depuis qu’il faut tirer la tronche sur les photos destinées à des documents officiels…
Un Post-It
Ce qu’il faut dire : wikipédia suggère « petite feuille de papier autoadhésive amovible ». Ce qui permet de comprendre instantanément pourquoi tout le monde utilise le terme Post-It, même si le bloc n’est pas de cette marque… Les Post-It, une marque de l’entreprise 3M, ont été massivement commercialisés à partir des années 198O, je vous invite à lire sur Wikipédia l’histoire de leur naissance, c’est très intéressant !
Du Scotch
Ce qu’il faut dire : du ruban adhésif. Il n’est ici pas question de whisky, évidemment, mais du célèbre ruban adhésif créé par l’ingénieur américain Richard Drew, chez le chimiste 3M en 1925. Il n’avait alors que 26 ans.
Du Sopalin
Ce qu’il faut dire : de l’essuie-tout. Le Sopalin est un produit issu, comme son nom, de la Société du Papier Linge, qui l’a commercialisé pour la première fois en 1946. Cette ancienneté fait que Sopalin désigne aujourd’hui par habitude toutes les marques d’essuie-tout. La marque Sopalin existe toujours, mais elle appartient désormais à l’entreprise italienne Sofidel.
Un Stabilo
Ce qu’il faut dire : un (feutre) surligneur. La marque Stabilo a été créée en 1855 en Allemagne (sous le nom de Schwan, car Stabilo n’est apparu que dans les années 1950), mais c’est en 1971 que le célèbre surligneur Stabilo Boss a été mis au point – inspiré par un produit américain.
Une Thermos
Ce qu’il faut dire : une bouteille isotherme. Thermos est une marque, évidemment spécialisée dans la fabrication de ces bouteilles isothermes, d’où la popularité du nom.
Un Velcro
Ce qu’il faut dire : une bande auto-agrippante. Velcro est une marque déposée, née de la contraction de « velours » et « crochet », et le dépôt de brevet remonte à 1952. L’histoire du produit ne manque pas d’intérêt, je vous invite à consulter la page Wikipédia consacrée.
Un Velux
Ce qu’il faut dire : une fenêtre de toit. Velux est une marque danoise, déposée depuis 1942. Et, comme chacun sait, très spécialisée dans les fenêtres de toit…
Un Zodiac
Ce qu’il faut dire : un bateau pneumatique motorisé. Zodiac est une marque française née en 1911, qui a produit ses premiers bateaux pneumatiques dans les années 1930. La branche « marine » de l’entreprise a été partiellement cédée en 2007.
Les antonomases nées d’une personne
Dans ce cas on parle d’éponymie. Evidemment, si vous casez antonomase et éponymie dans une conversation, vous gagnez un bonus immédiat de +20 en charisme. Ou vous allez vous retrouver tout seul. C’est une probabilité à ne pas négliger, alors faites gaffe, n’abusez pas non plus.
Ces antonomases sont en fait très fréquentes, mais pour la plupart d’entre elles, le nom commun est bien plus connu que son origine anthroponymique. L’exemple le plus courant est celui de la poubelle, dont beaucoup savent qu’il s’agissait du nom de son concepteur. Mais qui savait que barème, sandwich, boycott et rustine doivent leurs noms à des personnes bien réelles ? Encore une fois, les exemples se comptent par centaines, je me suis contenté de dresser la liste des antonomases les plus remarquables sur ce thème :
Un barème
L’origine : Francois Barrême, mathématicien français du 17ème siècle, considéré comme l’un des fondateurs de la comptabilité – il a été l’un des premiers à rédiger un manuel sur le sujet.
Un barnum
L’origine : Phineas Taylor Barnum, homme de spectacle américain au 19ème siècle, qui apporta de nombreuses innovations à l’univers du cirque.
Une béchamel
L’origine : Louis de Béchameil, marquis, financier et fin gourmet du 17ème siècle. Il a donné son nom à une sauce qu’il a vraisemblablement plus perfectionné que créé.
Un boycott
L’origine : Charles C. Boycott. Wikipédia précise qu’il était « intendant d’un riche propriétaire terrien du comté de Mayo, en Irlande de l’Ouest, durant le xixe siècle : comme il traitait mal ses fermiers, il subit un ostracisme et un blocus de leur part pendant le 17 septembre 1879″. Boycott s’est donc fait boycotter…
Du braille
L’origine : le Français Louis Braille, qui a vécut pendant la première moitié du 19ème siècle. Il perdit la vue suite à un accident. Son code est une amélioration du code Barbier.
Du chatterton
L’origine : Jonathan Edwards Chatterton, qui a breveté ce ruban adhésif en 1860.
Un diesel
Ce célèbre moteur à allumage par compression tient son nom de son inventeur, Rudolf Diesel, qui avait appelé son invention le « moteur à huile » au début du XXème siècle. Le gazole actuel possède en effet des propriétés assez proche de celles de l’huile végétale.
Un kir
Le chanoine Félix Kir fut maire de Dijon de 1945 à 1968 mais son nom est surtout connu pour le célèbre apéritif, mélange de crème de cassis et de vin blanc de Bourgogne. Pour en savoir plus sur le Kir, son histoire et ses variantes, je vous renvoie vers la page Wikipédia consacrée.
Un lynchage
L’origine : le terme viendrait du juge américain Charles Lynch, qui avait l’éxécution un peu facile, et une certaine passion pour les procès expéditifs. Le terme lynchage serait né en 1837. Il existe cependant d’autres théories pour expliquer la naissance du terme « lynchage », mais celle-ci demeure la plus vraisemblable.
Un massicot
L’origine : cette machine manuelle permettant de découper (entre autres) une épaisse couche de feuilles de papier a été mise au point par le Français Guillaume Massiquot, qui l’a brevetée en 1844.
Le morse
L’origine : ce code a été développé par Samuel Morse – et apparemment, surtout par son assistant Alfred Lewis Vail – à la fin des années 1830, permettant de transmettre plus facilement des messages en utilisant un télégraphe.
Une poubelle
A l’origine : le préfet de la Seine, Eugène Poubelle, qui en 1884 a, je cite Wikipédia, « signé un arrêté préfectoral relatif à l’enlèvement des ordures ménagères, pour lutter contre l’entassement des déchetsdans les rues de la région parisienne2. Cet arrêté oblige les propriétaires parisiens à fournir à chacun de leurs locataires un récipient destiné à leurs ordures ménagères, et dispose que : « Dorénavant, les ordures ménagères seront ramassées par l’intermédiaire d’un récipient de bois garni à l’intérieur de fer blanc, de manière que rien ne puisse s’en échapper. Ces récipients pourront également contenir des cendres chaudes sans risque d’incendie ». Poubelle demeure aujourd’hui l’une des plus célèbre antonomases. J’ai une pensée émue pour ses descendants, qui portent désormais le nom d’un récipient destiné à recevoir des déchets.
Du Rimmel
Le Rimmel est un produit cosmétique créé en 1880 par Eugène Rimmel (décidément, les Eugène au 19ème siècle, quel succès !), et qui n’est autre que ce que l’on appelle aujourd’hui le mascara. Rimmel est encore souvent utilisé dans le langage courant à la place du mot mascara ; c’est pourtant toujours une marque.
Une rustine
L’origine : c’est une marque déposée (en 1921) par Louis Rustin. Cet accessoire demeure l’allié indispensable des cyclistes lors des crevaisons. J’en ai moi-même collé un bon paquet dans ma jeunesse sur des chambres à air !
Un sandow
L’origine : c’est le culturiste allemand Eugen Sandow (encore un Eugène, mais de l’autre côté du Rhin cette fois-ci…) qui a inventé ces câbles élastiques en caoutchouc à la fin du 19ème siècle, non par pour attacher des valises sur la galerie de sa Peugeot 305, mais pour ses appareils de musculation. Le nom commun le plus courant pour désigner un Sandow est « tendeur ».
Un sandwich
L’origine : John Montagu, compte de sandwich était un diplomate et amiral britannique, aurait pris l’habitude de consommer de la viande et du pain entre deux tranches de pain par souci de gagner du temps. Et voilà !
Une silhouette
L’origine : Etienne de Silhouette, haut fonctionnaire français né au début du 18ème siècle, avait l’habitude de réaliser des portraits de ses invités en détourant leur profil à l’aide d’une lampe de sa conception.
Du strass
Ce cristal qui imite les pierres précieuses tire son nom de Georges Frédéric Strass, joaillier strasbourgeois né au début du 18ème siècle, et qui a popularisé cet élément bien plus accessible que le diamant.
Un Tupperware
L’origine : Earl Tupper a fondé sa société en 1946. Elle fabriquait des bols hermétiques en polyéthylène. Aujourd’hui, les réunions Tupperware existent toujours, et permettent d’acheter à des tarifs complètement délirants de bêtes contenant en plastiques – pour ma part, je vous conseille de conseiller vos denrées dans des contenants en verre, le choix ne manque pas. Et ce d’autant plus que vous avez l’intention de les réchauffer au micro-ondes…
Les antonomases nées d’un lieu
Il y aurait tout un article à faire sur ces centaines, voire milliers de lieux (villes, villages, régions, terroirs…) devenus des produits, essentiellement dans l’univers de la gastronomie. Quelques exemples ? Un Bordeaux, un Cognac, un Bourgogne, un Champagne, un Camembert, un Roquefort, un Gouda, etc. Il y en a tellement… que j’y reviendrai dans un prochain article !
Pour finir, et pour compléter cet article qui est loin d’être exhaustif, n’oubliez pas de suggérer les antonomases de votre connaissance dans les commentaires 😉
Merci pour votre lecture, et à bientôt sur le Curionaute !
Note : la plupart des informations mentionnées dans cet article sont issues de Wikipédia, ou elles ont été vérifiées et ou/complétées à l’aide de cette encyclopédie en ligne.