La France est un vieux pays, chargé d’histoire et parsemé de belles pierres, fait de jolis villages et de métropoles modernes, parsemé de campagnes rieuses et de forêts séculaires. Raconté de cette façon, ça a plutôt l’air joli. Sauf que parfois, ça déraille. Les belles demeures et splendides châteaux sont parfois laissés à l’abandon, certains sites industriels et usines qui tournaient à plein régime au milieu du siècle dernier sont délaissés et deviennent des friches qui font la joie des graffeurs et des amateurs d’exploration urbaine. Mais plus encore que les châteaux et usines abandonnés, désormais connus de tous et largement documentés sur internet, ce qui m’a étonné, c’est que des villages entiers puissent se retrouver à l’abandon. Evidemment, la centralisation forcenée en France, et l’urbanisation qui amènera 70 % de la population mondiale à vivre en ville d’ici 2050 n’y sont pour rien. Mais ce n’est pas tout : guerres, épidémies, isolement, catastrophes naturelles ou projets de barrage : à chaque fois, il y a une raison pour que des villages entiers soient abandonnés, et cela constitue autant d’histoires intéressantes à raconter… Combien de ces villages, disparus ou encore recensés sur une carte, ont été abandonnés dans les 50 dernières années ? Difficile à dire, mais une page Wikipédia consacrée aux villes et villages abandonnés, en France mais aussi sur tous les autres continents, donne un indice sur l’ampleur du phénomène – et de belles idées de voyages insolites, par la même occasion…
Les villages abandonnés en France :
Le village abandonné de Pirou plage
C’est une histoire triste, mais pas surprenante : dans les années 1990, un promoteur vraisemblablement peu scrupuleux a entrepris, avant même l’obtention d’un permis de construire, la construction et la commercialisation d’une centaine de maisons, regroupées dans un nouveau quartier nommé Aquaparc. Les maisons ont été bâties avant même la mise en place d’une voirie, d’un réseau électrique et d’une évacuation des eaux usées. Comme vous pouvez vous en douter, le permis de construire n’a pas été accordé, le chantier s’est arrêté en cours de route et plus de vingt ans après, ce village fantôme sans rues ni raccordement à aucun réseau laisse une drôle d’impression. Et un beau terrain de jeu pour les amateurs de street art ! Des villages abandonnés avant même que leurs habitants ne s’y installent, c’est tout de même assez rare. Heureusement.
Découvrez Pirou plage vu du ciel :
Voici une intéressante vidéo de Pirou Plage filmé par un drône voici quelques mois, et qui donne une idée précise de l’état actuel du site :
Le village abandonné de Courbefy
Ce petit village est situé au Sud de la Haute-Vienne, à quelques dizaines de kilomètres de Limoges. Il illustre hélas à merveille le syndrome de la désertion des campagnes Françaises, les jeunes générations préférant déménager dans les grandes agglomérations. Le hameau, qui compte aujourd’hui une vingtaine d’habitations réparties sur une dizaine d’hectares, a connu plusieurs vies. Comme vous pouvez le voir sur cette vue aérienne, c’est un endroit tranquille, isolé, qui ne manque ni d’espace ni de charme :
Le village initial est vieux de plus d’un demi-millénaire, il abritait même une forteresse médiévale qui fut détruite au XVIème siècle, si l’on en croit la page Wikipédia consacrée à Courbefy. Ces dernières décennies, la vie du hameau, qui fut un village de vacances dans les années 1980 après avoir été déserté par ses habitants, a été pour le moins tumultueuse. La page Wikipédia précise :
Dans les années 70, un promoteur construit des pavillons dans l’intention de les louer. Il y crée une piscine et un cours de tennis. Il revend à un financier parisien dans les années 80. C’est en 1994 qu’un couple reprend le village pour y créer un gite rural et une activité équestre. Pour des raisons familiales il vend en 2003. En 2008 le nouvel acquéreur fait faillite et abandonne le village. En février 2012, une procédure judiciaire attribue sa propriété à la banque créancière, qui met ensuite l’ensemble du hameau aux enchères, le 21 mai 2012, pour une mise à prix de 330 000 €.
Le lot fut finalement adjugé à 520 000 €. Une acquisition a mettre à l’actif du coréen Yoo Byung-eun, homme d’affaires controversé et photographe au talent discutable, impliqué par ailleurs dans de nombreux scandales. Il n’aura pas eu le temps de montrer à la France le projet artistique qu’il réservait au hameau de Courbefy via sa société Ahae Press : son corps a été retrouvé dans un état de décomposition avancée en juillet 2014 dans un verger, à quelques kilomètres de sa résidence sud-coréenne. Un fin étrange pour un curieux personnage… Laissé à l’abandon, le site que représente le hameau de Courbeby reste une attraction pour les curieux. Il a été occupé courant 2015 par un groupe d’artistes. Pour sympathique qu’elle soit, l’occupation était toutefois illégale, et une décision judiciaire, sollicité par la société appartenant à feu Yoo Byung-eun, a finalement mené à l’expulsion du collectif. Autre mystère, celui de la disparition puis de la réapparition (des cambrioleurs pris par le remords, c’est plutôt rare) des cloches de la chapelle, des cloches qui sonnent désormais une fois par an lors des célébrations du 1er mai. Que va devenir le hameau de Courbefy ? Mystère. Pour ne pas dire flou total. En 2014 déjà, un article paru dans Le Populaire laissait entrevoir un avenir incertain et plutôt sombre pour le village. Le journaliste concluait son article ainsi :
Contacté par téléphone le siège parisien d’Ahaé Press Inc. raccroche dès lors que l’on se présente comme journaliste. Que va devenir ce village ? On se rappelle aussi que les représentants d’Ahaé avaient laissé entendre qu’il souhaitaient le laissait envahir naturellement par la végétation.
Je vous invite également à consulter ce reportage photo publié par Ouest France, qui rend un bel hommage au village, et à lire cet article paru dans Libération : il rappelle que ce village aurait pu servir une cause noble, si les enchères n’avaient pas été remportée par le sulfureux coréen évoqué ci-dessus…
Le village abandonné de Périllos
Construit près d’un château voici près d’un millénaire (l’église daterait du XIIè siècle !), Périllos n’a jamais été très habité. Au milieu du XIXè siècle, a son apogée (façon de parler…), il comptait un peu moins d’une centaine d’habitants. En 1970, plus de cinquante ans après la dernière naissance en ses murs, le village était définitivement abandonné – le dernier habitant était vraisemblablement un berger. C’est dommage, direz-vous, car ce village typique qui affiche de belles maisons en pierre ne manque pas de charme. Bonne nouvelle, en fait, car après plusieurs décennies sans âme qui vive, Périllos (entretemps rataché à la commune d’Opoul, pour former la commune d’Opoul-Périllos) est à nouveau en vie – il n’est peut-être pas habité toute l’année, mais certains ont pris le soin d’entretenir et de restaurer une partie des logements. Les vues aériennes les plus récentes montrent que certaines maisons jadis en ruine ont a nouveau un toit, et que des visiteurs en voiture fréquentent le site. L’été, de nombreux promeneurs semblent visiter le site, et une buvette y accueille des expositions d’artistes locaux.
Depuis Opoul, la route est goudronnée jusqu’au village de Périllos – le trajet compte un peu plus de 10 km. Et les récentes vues capturées par Google Street View montrent en effet que des courageux et courageuses s’emploient actuellement à restaurer le village. Probablement les membres de l’association Terre de Pierre, qui cherchaient récemment des fonds pour restaurer un ancien four (collecte fructueuse, comme en témoigne cette page). Sur sa page Facebook, l’association explique d’ailleurs qu’elle réhabilite depuis 10 ans le village, et protège son environnement. Une mission louable.
Un peu plus loin, une autre vue montre l’entrée du village. Juste derrière, à l’opposé de ce que montre cette image, vous pourrez voir l’un des deux parkings aménagés, qui accueillait ce jour-là quelques voitures. N’hésitez pas à utiliser les flèches pour vous promener dans cette vue fournie, là encore, par Google Street View.
Le village abandonné de Brovès
Longtemps habité par quelques 300 personnes, le petit village de Brovès situé dans le Var en comptait encore près d’une centaine à la fin des années 1960. Mais au début des années 1970, le chiffre est passé à zéro, du jour au lendemain. Nulle épidémie ou enlèvement mystérieux en cause : le village a été évacué suite à la création du vaste camp militaire de Canjuers, qui est aujourd’hui encore un immense champ de tir de l’armée. Laissé à l’abandon, le village est désormais une zone interdite au public. Une route départementale passe à quelques dizaines de mètres, mais si vous voulez éviter les ennuis avec les militaires locaux, il est déconseillé de s’y arrêter, et plus encore de tenter d’aller visiter l’ancien village de Brovès…
Vous pouvez apprécier les contours et la localisation de ce hameau sur cette vue satellite :
Le village abandonné de Celles
L’endroit est pourtant fort joli, la paysage ne manque pas de charme et la simple idée de passer quelques jours de vacances dans les environs n’est pas déplaisante. D’ailleurs, ses habitants s’y plaisaient probablement, et il auraient sûrement apprécié de pouvoir continuer à y mener leur paisible existence… Situé dans l’Hérault, au bord du lac du Salagou, le village de Celles n’a pas été déserté du fait de l’exode rural, mais pour une raison liée à la politique énergétique : les habitants ont été expropriés à la fin des années 1960 suite à la mise en eau du lac, qui est en fait une retenue artificielle. Toutefois le village, qui ne s’est finalement pas retrouvé sous les eaux suite à l’abandon de la deuxième phase du projet, pourrait retrouver une nouvelle jeunesse après avoir connu des décennies d’inaction de la part des pouvoirs publics. Ou peut-être pas, car cela fait deux décennies que la concrétisation du projet est attendue… Et la tâche s’annonce ardue car comme le montre la vue satellite ci-dessous, seuls les murs extérieurs des maisons sont encore debout ; les murs, cloisons et aménagements ont souffert du temps, des variations climatiques et de l’abandon. Cette même vue aérienne permet de se rentre compte de la popularité du site : le parking occupé par les voitures des touristes occupe la même surface que le village :
Je vous invite enfin à regarder ce reportage réalisé par France 3 pour en découvrir davantage sur l’histoire du village de Celles, et de son abandon forcé et qui s’est révélé finalement inutile :
Le village abandonné d’Occi
Calvi, au nord-ouest de la Corse. Sa plage immense, ses eaux turquoises. Prenez la route, vers l’Est. Lumio vous accueille quelques kilomètres plus loin. Dirigez-vous à l’extrémité Nord du village, et empruntez le petit sentier qui gravit la colline. Quelques centaines de mètres plus tard, vous voici au coeur des ruines d’Occi, superbe village corse qui, bien qu’abandonné, vous éblouira de suite par son charme. Abandonné ? Plus tout à fait, à vrai dire. Ce petit village qui rassemble une quinzaine de maisons – dont seuls quelques morceaux de murs extérieurs subsistent – est à nouveau sous le feu des projecteurs. L’ancienne église a même été intégralement restaurée voici une dizaine d’années par une association – en partie grâce à un financement de l’ancien mannequin Laetitia Casta, qui fut élue en 1993… Miss Lumio ! Situé à près de 400 mètres d’altitude, Occi était habité dès le 15ème siècle, mais il commencé à perdre de nombreux habitants au 19ème siècle, partis rejoindre Lumio en contrebas – il faut reconnaître que la situation géographique de cette dernière est plus pratique. Le dernier habitant du hameau est mort voilà près d’un siècle. Vous pouvez découvrir sur cette vue aérienne la charmante petite église, et les ruines du village qui, espérons-le, finira par être intégralement restauré afin d’être visité par des touristes (pas trop non plus, il faut préserver le lieu !) qui seront sans peine conquis par les lieux et la région :
Une dernière photo d’Occi, pour la route. Des ruines certes, mais splendides :
Le village abandonné de Châteauneuf-lès-Moustiers
Si vous ne connaissez pas les gorges du Verdon et le lac de Sainte-Croix, je vous recommande une visite : la région est superbe, ses paysages révèlent des panoramas fantastiques et, même si vous souffrez comme moi du vertige, ce canyon à la Française reste un spectacle à ne pas manquer. Et c’est une région qui recèle aussi de plaisants secrets : j’ai beau y avoir séjourné par deux fois, j’ignorais complètement l’existence du village de Châteauneuf-lès-Moustiers, pourtant situé à quelques kilomètres au nord de la Palud-sur-Verdon. Très isolé, et située dans une zone escarpée, le village aurait perdu ses dernières habitants (et surtout habitantes) dans les années 1930, suite au décès de tous les jeunes hommes du village pendant la première guerre mondiale, comme l’explique cet article de Nice-Matin. Il a pourtant connu plusieurs centaines d’habitants à ses heures les plus fastes, et la commune a même compté jusqu’à deux écoles ! Il reste une belle destination de randonnée, et vous ne risquez pas d’y être envahi par la foule, même si une route passe à quelques centaines de mètres, car il n’est mentionné sur aucune carte.
Pour vous rendre compte de son emplacement, je vous invite à regarder cette vue aérienne :
Et les autres villages abandonnés en France ?
C’est une bonne question. Car au-delà de ces 7 exemples, il existe évidemment des dizaines d’autres villages abandonnés en France (ou en Belgique, ou en Afrique, ou ailleurs…), depuis des décennies ou sur le point de le devenir. Certains ont complètement disparu, et leurs vestiges ont été recouverts par une nature envahissante, ou par l’urbanisation galopante. Certains ont réussi à revivre avant de sombrer dans l’abandon, et d’autres ne comptent plus que quelques pans de murs partiellement effondrés en guise de témoignage architectural… Il serait impossible de tous les citer ici, mais si le sujet vous intéresse, je vous invite à fouiller internet à leur recherche. Certains auraient eu une place dans cet article mais je les ai délaissés faute de temps. Je pense notamment à Comes, au vieux Nans, à Saint Symphorien… Et évidemment à Oradour sur Glane, village martyr de la seconde guerre mondiale, dont tous les habitants ont été massacrés par une division de l’armée allemande, et qui mériterait un article à lui seul. Conservé pour le devoir de mémoire, le village d’Oradour-sur-Glane est voué à ne plus jamais être habité, mais aussi à ne jamais disparaître…
Evidemment, si vous avez déjà visité d’autres villages abandonnés, en France ou ailleurs, n’hésitez pas à en parler dans les commentaires – et à en poster des photos !
A bientôt sur Le Curionaute.
Note : la photo qui illustre l’en-tête de cet article a été réalisée par Dany Tolenga
(Flickr-Licence Creative Commons)